Au sommaire de ce BASE ROUGE N°4 – 4 MARS 2017 (PDF)
- EDITO : Election présidentielle : leur monde et le nôtre
- BATIMENT : LE RETOUR DU LIVRET OUVRIER (Comité NPA Inspection du travail)
- QU’EST-CE QU’ÊTRE DE GAUCHE ? (Karl, 52 ans, docker à Saint-Nazaire)
EDITO
La campagne présidentielle amène chaque semaine son lots d’événements plus écoeurants les uns que les autres.
Fillon, dont les malversations sont maintenant entre les mains de juges d’instruction, avait pourtant déclaré le 16 février : “ Je m’en remets au seul jugement du suffrage universel.”
Aucune trace du travail qui aurait pu justifier les salaires cumulés par Pénélope Fillon et leurs enfants pour plus d’un million d’€ au total. S’il n’hésite pas à se poser en victime, et veut se maintenir coûte que coûte, des rats quittent le navire qui tangue dangereusement !
Quant à la milliardaire Marine Le Pen, elle-même menacée, un
de ses proches, Frédéric Chatillon, a été mis en examen le 15
février pour abus de biens sociaux. A la tête d’une entreprise de
communication, il avait surfacturé certains matériels de propagande
électorale en 2014 et 2015. Elle n’en dit rien et refuse,
par ailleurs, de se rendre aux convocations des enquêteurs sur
l’affaire de ses assistants au Parlement européen.
Deux poids deux mesures
Ces gens-là sont quasiment assurés de l’impunité et quand ils
sont condamnés, comme le fils Balkany tout dernièrement, ils
évitent la prison en payant une caution -100000 euros dans ce
cas. Comme le sont aussi les policiers auteurs des violences sur
Adama, Théo et tant d’autres, victimes du délit de “faciès”.
Par contre, c’est en comparution immédiate que passent certains
des jeunes qui manifestent pour dénoncer ces injustices et c’est
à de la prison ferme qu’ils sont condamnés.
La répression contre les manifestations se généralise et s’aggrave
sous couvert de lutte contre le terrorisme.
Les ordres viennent d’en haut, du gouvernement, des responsables
de l’État et ces décisions constituent de graves atteintes
aux droits démocratiques comme vient de le dénoncer Amnesty
International.
Leur monde et le nôtre
En cette fin de règne, on ne compte plus les “affaires”, le
scandale des détournements de fonds publics ou abus de biens
sociaux, pots-de-vin sous toutes leurs formes. Mais on évoque
rarement les affaires, beaucoup plus lucratives encore, que
constitue l’accaparement des richesses produites par les salarié-
e-s par une infime minorité de gros actionnaires.
36 des 40 entreprises du CAC40 ont réalisé, en 2016, 73,2
milliards d’euros de bénéfices, en hausse de plus de 20 % par
rapport à 2015.
9,8 milliards d’euros pour Sanofi, 7,7 pour la BNP, 5,83 pour
Axa, 2,93 pour Orange, etc. Partout des bénéfices qui résultent
des licenciements et des subventions de l’État.
Rompre avec la propriété capitaliste
Du côté des Républicains, du Front national, du Parti socialiste
ou de Macron, tous les programmes visent à réduire encore la
part des richesses qui va à la population, aux travailleurs et aux
jeunes pour augmenter celle des plus riches.
La rupture avec le système n’est pas vraiment inscrite dans
le projet de protectionnisme “solidaire” de Mélenchon qui fait
l’impasse sur la remise en cause de la propriété capitaliste et la
mobilisation, massive et unitaire, nécessaire pour y parvenir.
Les députés, les sénateurs, les ministres et les candidats sont
tous des professionnels de la politique. Les députés reçoivent au
total plus de 13 000 euros par mois ! Pas étonnant qu’ils soient
loin de nos préoccupations.
Il faut que les éluEs soient rémunéréEs par un revenu équivalent
au salaire moyen (2300 euros bruts) et qu’ils soient révocables,
il faut le droit de vote des étrangers et la proportionnelle à
toutes les élections. Il faut s’attaquer aux lieux réels du pouvoir :
les institutions, les banques, les grands groupes industriels et
financiers, c’est-à-dire la propriété privée capitaliste.
Les travailleurs doivent contrôler toute l’économie, puisque ce
sont eux qui produisent les richesses.
Voilà ce que nous, le NPA et notre candidat PHILIPPE
POUTOU, défendons dans cette campagne.
BATIMENT : LE RETOUR DU LIVRET OUVRIER
La carte d’identification professionnelle BTP va devenir obligatoire
pour 2 millions de personnes qui travaillent dans le
bâtiment en France. L’annonce a été faite par le gouvernement
début janvier.
Véritable sésame pour avoir simplement le droit de gagner son
salaire, la carte sera équipée d’un QR code. Celui-ci permettra
aux agents de contrôle de vérifier rapidement si le salariéE a
bien été déclaré. Et après ? « Dehors », dira-t-on au salariéE qui
n’a pas sa carte ?
Les plus grosses affaires de travail illégal impliquent les grands groupes du
secteur qui ont recours à des fraudes complexes, nécessitant des semaines d’enquêtes pour les mettre à jour… Et des années pour obtenir une condamnation bien souvent symbolique, comme sur
le chantier EPR de Flamanville où Bouygues a été condamné à
seulement 25 000 euros d’amende pour avoir exploité – en dessous
du SMIC et sans droit à congés ni chômage – 500 Polonais
et Roumains.
UN MORT TOUS LES DEUX JOURS…
En réalité, les mesures à prendre impliquent de réduire les profits
colossaux des majors du secteur, ce que ce gouvernement
– ni aucun grand candidat – ne propose de faire…
La sous-traitance devrait être tout simplement interdite et le régime
du détachement abrogé, pour que cessent de coexister sur
les chantiers des myriades de salariéEs aux statuts, aux salaires
et aux avantages différents, mais travaillant néanmoins au profit
d’un seul et unique donneur d’ordre.
Il y a encore un mort tous les deux jours à la suite d’un accident
du travail dans le BTP. Alors il est clair que ce dont ont réellement
besoin les ouvrierEs du secteur, ce n’est pas d’une frénésie
de contrôles du style Pétain et de relents xénophobes sur les
entreprises étrangères qui détachent des ouvriers à bas coût.
Le problème, c’est d’en finir avec les directives européennes qui
organisent l’exploitation des ouvriers, c’est l’égalité des droits,
c’est d’améliorer la sécurité et donner les moyens à l’inspection
du travail d’être efficace.
Exactement l’inverse de la politique actuelle !
Comité NPA Inspection du travail
QU’EST-CE QU’ÊTRE DE GAUCHE ?
« Y a-t-il une gauche en France ? Je ne suis pas sûr, en tout
cas pas du côté de ceux qui ont le pouvoir. Pour moi, seuls
les syndicats sont de gauche, et encore, pas tous !
C’est quand même un gouvernement soi-disant “de gauche”
qui nous a imposé la loi El Khomri, qui remet en question tous
les droits des travailleurs. Avec l’annualisation du temps de
travail sur trois ans, on pourra se retrouver à bosser quasi
jour et nuit … On n’aura plus de vie de famille, que le travail.
Même les congés payés sont remis en cause. C’est de
gauche, ça ?
Les patrons auront le droit d’avoir recours au CDI juste quand
ils en auront besoin. Ils pourront jeter les gens ensuite sans
payer les primes de précarité auxquelles avaient droit les
intérimaires et les CDD. Les gens ne pourront plus rien faire.
Avec un CDI, nous pouvons souscrire un emprunt, s’acheter
un logement et être un peu tranquille. C’est ça que veulent
les gens. Ce n’est pas grand chose en fait, mais même ça,
ils l’enlèvent !
Une mesure de gauche urgente, ce serait d’abroger
cette loi travail, entièrement, et protéger les ouvriers
réellement.
Il faut arrêter de tout donner au patronat : le fric, tous les
droits, aucun risque de finir en prison même s’ils ont des
ouvriers qui meurent au boulot. Il faut voir comment ils se sont
gavés encore cette année, tandis que nous n’avons rien du tout…
Tout augmente, sauf les salaires… Valoriser les gens qui
travaillent et arrêter les cadeaux aux grands patrons :
voilà une autre mesure de gauche très urgente. On va se
retrouver avec l’extrême droite à cause de leur mépris.
Être de gauche, c’est arrêter de mépriser les ouvriers,
de les trouver sales et encombrants quand ils sortent dans la
rue. Ce sont eux qui font la richesse de la France ! Certains
politiques, comme Olivier Besancenot ou Philippe
Poutou, parlent de nous avec respect. Eux connaissent le
travail. Les autres ne sont pas fatigués. Forcément, dormir à
l’Assemblée nationale ou au Sénat, c’est facile. On peut faire
ça jusqu’à 80 ans sans problèmes…
Ceux qui sont au pouvoir ne savent pas ce que c’est de s’user
le corps à cravacher toute une journée, par tous les temps.
Comment pourrais-je continuer à travailler jusqu’à 67 ans ?
C’est impossible. Je vais mourir au travail. Je ne servirai plus
à rien. Je ne serai même plus compétitif.
Les gens sont en colère. Ils n’en peuvent plus d’être pris
pour des imbéciles, pour des moins-que-rien. Un jour, on va
se retrouver avec l’extrême droite, à cause de leur mépris.
Et on accusera encore les Français de base, les ouvriers, en
les traitant d’abrutis. »
Karl, 52 ans, docker à Saint-Nazaire, cité par Bastamag dans sa série #imaginelagauche. Propos recueillis par Nolwen Weiler.