50 ans de lutte. 10 ans d’occupation. Des manifestions mémorables. Des dizaines de milliers de personnes – paysanEs, urbainEs, occupantEs, jeunes et moins jeunes, mobilisés à tant de reprises sur le site et ailleurs. Des rencontres, des jours et des nuits de fête. Des centaines de comités de soutien. Et finalement : la victoire ! Le gouvernement abandonne officiellement le projet d’aéroport.
Le gouvernement Macron peut toujours essayer de s’en tirer par le haut, c’est bien une défaite de l’État et du patronat, et une victoire des opposantEs dans leur ensemble.
Les raisons d’une victoire
Une victoire qui vient de loin : parti des paysanEs de NDDL en 1974, le mouvement d’opposition a su agréger les soutiens des populations locales. En 2009, les paysanEs osent une main tendue aux jeunes écologistes radicaux et les invitent à rester sur la Zad. Le mouvement contre l’aéroport prend le parti de l’occupation des terres, légalement propriété publique. Cette occupation deviendra la principale arme dans le rapport de forces qui l’oppose tout à la fois à l’État et son appareil répressif, aux collectivités locales, aux multinationales et au patronat local. L’échec de l’évacuation policière en 2012 est une défaite politique majeure pour l’État, le gouvernement, le PS.
Alors que le mouvement social enchaîne les défaites, ce combat ramène à la mémoire d’autres luttes victorieuses : au Larzac, contre des installations nucléaires au Pellerin, à Plogoff, au Carnet… Elle sert de catalyseur à la contestation contre le gouvernement Hollande, ouvre la porte à d’autres luttes, une raison de plus pour l’État de ne pas céder.
C’est de cette occupation longue, en butte aux répressions policières et judiciaires que naît véritablement la Zad : un lieu de vie à l’écart du monde médiatique, porteur d’espoir où convergent des milliers de jeunes qui s’installent, parfois définitivement. Une petite société, qui finira par créer des liens de solidarité forts avec les habitantE de la région.
La Zad ne reste pas à l’écart des luttes : solidaire, elle répercute les luttes des peuples du monde entier, produit de la nourriture pour les migrantEs de la région et d’ailleurs, rencontre les syndicalistes, soutient les travailleurEs en lutte contre la loi travail et les ordonnances Macron… C’est toute la diversité de notre camp social qui se retrouve autour de Notre-Dame-des-Landes.
Gesticulation policière et médiatique
Le gouvernement Macron aura largement berné son monde avec sa très médiatique gesticulation policière. Toute l’action du pouvoir n’aura finalement été qu’une vaste opération de communication : un rapport commandé pour accréditer l’option du réaménagement de l’aéroport actuel ; de multiples rencontres avec les élus locaux ; des médias relayant le discours de la gendarmerie faisant passer les « zadistes » pour des combattantEs aguerris… L’enjeu était de montrer au public un gouvernement au travail, quand la décision était déjà prise.
La « route des chicanes », qui traverse la Zad, était largement inconnue il y a quelques jours, sinon par les photos de ses étranges architectures. Symbolique pour les occupantEs, elle l’est aussi pour l’État. Une fois l’aéroport abandonné, l’enjeu était de laisser l’État régalien sauver la face après une défaite majeure, sans pour autant livrer la Zad aux gendarmes. D’où la décision du mouvement de libérer lui-même la fameuse route « D281 ».
Il s’agit maintenant de préserver la Zad de la normalisation capitaliste. Pour nous, militantEs anticapitalistes, la terre appartient collectivement à celles et ceux qui la travaillent, qui n’en font pas un objet de spéculation. Nous rejoignons celles et ceux de la Zad qui déclaraient il y a quelques jours que l’État « est et restera, pour nous, un adversaire politique et [que] nous continuerons à construire nos réalités ».
Laisser vivre la Zad
Pour éviter un affrontement policier, le gouvernement pourrait donc laisser le mouvement gérer lui-même une partie des terres. Depuis longtemps, le mouvement s’est organisé en vue d’une victoire. Une interface juridique avec l’État cohabiterait avec « l’Assemblée des usages et des communs », sorte de « parlement » des occupantEs et habitantEs de la Zad. Celles et ceux qui cultivent, élèvent, transforment la nourriture, réparent, produisent, construisent, inventent, instruisent, écrivent et lisent…
Une part de « normalisation » est sans doute inévitable dans l’État capitaliste. Mais il appartient au mouvement, dans une unité la plus large possible, de préserver et laisser vivre tout ce que la Zad a vu naître d’expériences.
Le rassemblement du 10 février sur la Zad sera l’occasion d’une fête. La veille en effet, la Déclaration d’utilité publique sera morte, et l’aéroport avec. Mais ce sera aussi le moment d’afficher notre détermination pour que vive la Zad !
CorrespondantEs NPA 44 paru dans Hebdo L’Anticapitaliste - 414 (25/01/2018)